Le dramaturge,
comédien et metteur en scène québécois de renommée mondiale, Robert Lepage, devra bien malgré lui s’ajuster
à la réalité dans le choix des sujets et des acteurs des pièces qu’il décide
de présenter au Canada et à l’étranger.
Pourquoi ? Parce qu’il a dû mettre fin abruptement à deux de ses œuvres (Slāv et Kanata) par suite d’une vive contestation au Québec, de citoyens, d’artistes et d’autochtones. Dans le cas de Slāv, de nombreuses voix se sont élevées contre la présentation de ce spectacle qui représente, estiment-elles, une appropriation raciste de la culture noire. Par ailleurs, Kanata entendait présenter une relecture de l'histoire du Canada à travers les rapports entre les Blancs et les Autochtones. L'absence de comédiens issus des communautés autochtones avait créé une autre controverse pour ce deuxième spectacle de Robert Lepage.
Certains ont tout de
suite vu une forme de censure du fait d’arrêter la présentation de Slāv et
Kanata. Il est vrai que le metteur en scène a parfaitement le droit de présenter
ses créations selon sa vision et de choisir les comédiens qu’il désire pour
interpréter ses œuvres.
UNE DÉCOUVERTE INATTENDUE
Mais Robert Lepage a découvert au
fil des derniers événements, qu’il
devrait aussi tenir compte de ses bailleurs de fonds au Canada et à l’étranger. Selon
Radio-Canada, bien avant que la controverse éclate en raison de l'absence de
comédiens des Premières Nations dans son spectacle Kanata, le Conseil des
arts du Canada n'avait pas voulu financer la production de la compagnie Ex Machina appartenant à Robert Lepage.
Deux sources indépendantes ont affirmé à
Radio-Canada que le Conseil des arts du Canada avait rejeté une demande de
subvention du spectacle Kanata parce qu'aucun collaborateur autochtone n'était
indiqué au moment du dépôt du projet. Des informations d'abord révélées dans un
article publié sur le site français «Arrêt sur images».
DÉFICIT FINANCIER
Comme la présentation de spectacles à l’étranger coûte très cher, il
aurait été impensable pour Robert Lepage, de poursuivre la même trajectoire
sans l’appui de bailleurs de fonds privés devenus subitement insécurisés après
les récentes contestations du public. S’il avait continué de présenter Slāv et Kanata, il risquait d’avoir un important
déficit pour sa compagnie Ex Machina.
En effet, le spectacle touche maintenant
des coproducteurs nord-américains qui s’y intéressaient, et dont certains ont
annoncé leur retrait. «Sans leur apport financier, il ne nous est pas possible
de compléter la création de Kanata avec le Théâtre du Soleil», a souligné
la compagnie Ex Machina dans un communiqué.
BIEN ANALYSER LA
SITUATION
Robert Lepage a raison
de vouloir prendre du recul et de vouloir bien analyser cette situation assez
particulière et inattendue qui remet en question ses choix artistiques. Mais,
il ne pourra échapper à la réalité financière de ses bailleurs de fonds publics
et privés et à la contestation de certains citoyens, s’il veut continuer à
faire ce qu’il aime et selon ses goûts. Il doit se poser les questions suivantes :
En est-on rendu au point où il faudra mettre des policiers à l’intérieur des
salles de spectacles pour expulser les contestataires trop bruyants et, d’autres
policiers à l’extérieur pour protéger les acheteurs de billets pour ses pièces?
L’insécurité de la clientèle risque-t-elle de la faire fuir et de compromettre
la rentabilité de ses pièces de théâtre? Robert Lepage devra décider de la
suite des choses. Tout un dilemme.