samedi 28 juillet 2018

LA RÉALITÉ DANS LA CRÉATION ARTISTIQUE




Le dramaturge, comédien et metteur en scène québécois de renommée mondiale, Robert Lepage, devra bien malgré lui s’ajuster à la réalité dans le choix des sujets et des acteurs des pièces qu’il décide de présenter au Canada et à l’étranger.

Pourquoi ? Parce qu’il a dû mettre fin abruptement à deux de ses œuvres (Slāv et Kanata) par suite d’une vive contestation au Québec, de citoyens, d’artistes et d’autochtones. Dans le cas de Slāv, de nombreuses voix se sont élevées contre la présentation de ce spectacle qui représente, estiment-elles, une appropriation raciste de la culture noire. Par ailleurs, Kanata entendait présenter une relecture de l'histoire du Canada à travers les rapports entre les Blancs et les Autochtones. L'absence de comédiens issus des communautés autochtones avait créé une autre controverse pour ce deuxième spectacle de Robert Lepage.

Certains ont tout de suite vu une forme de censure du fait d’arrêter la présentation de Slāv et Kanata. Il est vrai que le metteur en scène a parfaitement le droit de présenter ses créations selon sa vision et de choisir les comédiens qu’il désire pour interpréter ses œuvres.


UNE DÉCOUVERTE INATTENDUE

Mais Robert Lepage a découvert au fil des derniers événements, qu’il devrait aussi tenir compte de ses bailleurs de fonds au Canada et à l’étranger. Selon Radio-Canada, bien avant que la controverse éclate en raison de l'absence de comédiens des Premières Nations dans son spectacle Kanata, le Conseil des arts du Canada n'avait pas voulu financer la production de la compagnie Ex Machina appartenant à Robert Lepage. Deux sources indépendantes ont affirmé à Radio-Canada que le Conseil des arts du Canada avait rejeté une demande de subvention du spectacle Kanata parce qu'aucun collaborateur autochtone n'était indiqué au moment du dépôt du projet. Des informations d'abord révélées dans un article publié sur le site français «Arrêt sur images».

DÉFICIT FINANCIER

Comme la présentation de spectacles à l’étranger coûte très cher, il aurait été impensable pour Robert Lepage, de poursuivre la même trajectoire sans l’appui de bailleurs de fonds privés devenus subitement insécurisés après les récentes contestations du public. S’il avait continué de présenter Slāv et Kanata, il risquait d’avoir un important déficit pour sa compagnie Ex Machina. En effet, le spectacle touche maintenant des coproducteurs nord-américains qui s’y intéressaient, et dont certains ont annoncé leur retrait. «Sans leur apport financier, il ne nous est pas possible de compléter la création de Kanata avec le Théâtre du Soleil», a souligné la compagnie Ex Machina dans un communiqué. 

BIEN ANALYSER LA SITUATION

Robert Lepage a raison de vouloir prendre du recul et de vouloir bien analyser cette situation assez particulière et inattendue qui remet en question ses choix artistiques. Mais, il ne pourra échapper à la réalité financière de ses bailleurs de fonds publics et privés et à la contestation de certains citoyens, s’il veut continuer à faire ce qu’il aime et selon ses goûts. Il doit se poser les questions suivantes : En est-on rendu au point où il faudra mettre des policiers à l’intérieur des salles de spectacles pour expulser les contestataires trop bruyants et, d’autres policiers à l’extérieur pour protéger les acheteurs de billets pour ses pièces? L’insécurité de la clientèle risque-t-elle de la faire fuir et de compromettre la rentabilité de ses pièces de théâtre? Robert Lepage devra décider de la suite des choses. Tout un dilemme.